Références : bronze, 1582, haut de 4,10 m
Florence, Loggia dei Lanzi
Elle est composée de trois personnages : le Sabin vaincu, le Romain et la Sabine en train d'être capturée.
Il s'agit d'une référence à un des épisodes légendaires de la naissance de Rome.
A ces trois personnages répondent trois postures allant du corps recroquevillé du vaincu en bas
à l'élancement de la Sabine qui semble vouloir fuir en hauteur. L'imbrication des trois figures
est due à l'étude de la sculpture grecque que fit Giambologna. Mais Giambologna surpassa le modèle antique.
En effet, à la Renaissance, il fut découvert que, malgré les dires des Anciens, ceux-ci n'avaient pas réussis
à réaliser leur d'un seul bloc. Giambologna entreprit donc de relever le défi, qu'il tint, y ajoutant au passage
un mouvement tournant. Et sur ce point Giambologna innova encore : en approfondissant le principe de la
"figure serpentine", il créa la première sculpture dépourvue de point de vue principal.
Rafaello Borghini explique : "Dans le seul but de prouver l'excellence de son art et sans traiter
un sujet particulier, il a représenté un fier jeune homme enlevant une très belle jeune fille
à un faible vieillard." Si Borghini a raison, l'oeuvre serait un exemple précoce d'art pour l'art,
bien qu'on puisse y déceler le thème de la capture et de l'enlèvement.
On a donné une interprétation allégorique
à la Triade : les Médicis (le jeune homme) enlevant Florence (la jeune
femme) à l'ancien gouvernement (le vieillard) et fondant une nouvelle Rome.
L'Enlèvement de la Sabine est parfois considérée comme l'apogée de la carrière du sculpteur officiel des
Médicis. D'ailleurs, l'oeuvre fut placée dès 1583 à la loge des Lanzi à la place de la Judith de Donatello.
Le jeu des diagonales et la cambrure de la statue constituée par le Romain marquent une étape importante dans
l'évolution technique et esthétique de la sculpture de la fin du XVIe siècle.
La main de la femme tendue dans l'espace est un geste
de libération qu'exploitera le Bernin dans l'Enlèvement de Prosperine.
L'interaction vigoureuse de personnages ardents éloigne l'oeuvre de la
langueur de la Maniera pour la rapprocher du baroque, par des détails
comme l'impétuosité avec laquelle les mains de son agresseur marquent
les fesses du personnage féminin. L'Enlèvement reçut un accueil unanimement chaleureux et l'atelier
se vit submergé de demandes de copies miniatures, venues de toute l'Europe.